Alors que se tient dans quelques jours le colloque René Dumont revisité et les politiques africaines, Marc Dufumier, le président de la Fondation René Dumont revient sur les raisons de ce colloque. De droit associatif, la Fondation René Dumont a pour objectif de mener des recherches et animer des débats publics sur les sujets traités autrefois par l’illustre agronome et écologiste : le développement agricole, la sécurité alimentaire, le devenir des paysanneries, la protection de l’environnement, la paix dans le monde, etc.
Quel a été l’apport de René Dumont à la connaissance des agricultures africaines ?
Agronome de terrain, René Dumont n’a pas manqué de souligner les causes pour lesquelles les agricultures africaines sont longtemps restées peu productives : conditions climatiques et pédologiques souvent très contraignantes, croissance démographique exponentielle, sous-équipement des paysanneries, faiblesse des investissements publics dans l’agriculture, projets de développement technocratiques et inadaptés, intégration au marché mondial dans des conditions inégales, États trop souvent corrompus et méprisants à l’égard des paysanneries, etc. Et de proposer des remèdes qui ne manquaient pas de susciter de vives controverses !
Pourquoi avez-vous souhaité organiser ce colloque 50 ans après ?
50 ans après la première édition de l’ouvrage L’Afrique noire est mal partie, l’Afrique subsaharienne semble n’être pas encore parvenue à recouvrer son indépendance économique, à mettre fin à l’extrême pauvreté, à assurer la sécurité alimentaire du plus grand nombre et renforcer la paix civile en son sein. Cette région est celle dont la croissance économique au cours des cinq dernières décennies a été la plus faible au monde et la question se pose donc de savoir si René Dumont n’aurait pas eu tout simplement raison. Mais des inflexions récentes, parmi lesquelles il convient de citer l’émergence d’authentiques organisations paysannes et systèmes de production agricoles alternatifs semblent redonner de l’espoir : ce dont il va être très largement question au cours de ce colloque.
L’organisation du colloque prévoit une journée scientifique et une journée plus politique : pourquoi cette double approche ?
Il convient tout d’abord de mettre en évidence les modalités techniques, économiques et sociales, qui permettraient aux paysanneries africaines d’améliorer leurs propres revenus tout en assurant durablement la sécurité alimentaire de leurs nations et sans occasionner de dommages à leurs environnements : quels types d’agricultures et d’organisations sociales conviendrait-il de favoriser pour y parvenir ? La science peut nous aider à répondre à ces questions. Mais il convient bien sûr aussi de s’interroger sur les conditions à mettre en œuvre pour que cela devienne possible : politiques publiques des États concernés, politiques de coopération, régulation des échanges à l’échelle internationale, etc. Des questions hautement politiques, comme celles déjà évoquées par René Dumont il y a cinq décennies !